Dans les courts-métrages d'animation

Sans remonter aux Alice Comedies ou à Oswald, Le Lapin Chanceux, on peut dater la première apparition d'un éléphant dans un film de Walt Disney à 1929. Dans le court-métrage Jungle Rhythm (1), Mickey apparaît jouant de l'accordéon sur le dos d'un éléphant à la tête toute blanche. Mais il ne s'agissait que d'un personnage secondaire parmi d'autres, comme les éléphants apparaissant brièvement dans l'épisode 35 des Silly Symphonies, L'Arche du Père Noé en 1933 (2).

Le premier éléphant d'importance apparaît en 1936, en la personne d'Elmer, le petit éléphanteau vedette de l'épisode éponyme des Silly Symphonies Elmer Elephant. Personnage anthropomorphe vêtu d'une salopette bleue et d'un chapeau rouge, Elmer se rend à la fête d'anniversaire de Tillie Tiger, jeune tigresse dont il est amoureux.

L'épisode, assez particulier au niveau visuel dans la série des Silly Symphonies, joue pleinement sur les émotions puisqu'Elmer est écarté de la fête par les autres animaux, à cause de son physique différent, notamment sa longue trompe. L'histoire d'un gentil petit éléphant rejeté à cause de sa différence n'est pas sans rappeler celle du Grand Classique Dumbo quelques années plus tard, dans lequel l'exploitation des émotions sera totale. Elmer ne réapparaît que brièvement dans l'épisode Toby Tortoise Returns (1936), dans le public du match de boxe.

Avant d'en venir aux Grands Classiques, mentionnons d'autres éléphants apparaissant dans quelques autres courts-métrages Disney. En 1936, Mickey se voit offrir un éléphant nommé Bobo en guise de compagnon pour Pluto par le Rajah du Ghaboon. Mais l'entente avec le célèbre chien n'est pas des plus aisées ! L'éléphante Dolorès (3) apparaît dans deux cartoons aux côtés de Dingo, dans Dingo et Dolorès (The Big Wash, 1938) et Tiger Trouble (1945), et dans un autre aux côtés de Donald et Tic et Tac, Les Cacahuètes de Donald (Working for Peanuts, 1953). Son style est assez proche de celui des éléphants de Dumbo (formes arrondies, démarche cartoonesque...).

En 1960, Goliath II raconte l'histoire d'un minuscule éléphant, fils de Goliath, roi de la jungle. Son père est exaspéré par la taille de l'éléphanteau, qui parvient malgré tout à tenir tête à une souris aussi grande que lui !

De Fantasia à Dumbo : les éléphants dans le rythme de la musique

Il ne faut attendre que le troisième Grand Classique, Fantasia (1940), pour voir apparaître des éléphants dans les longs métrages d'animation de Walt Disney. Se faisant voler la vedette par des autruches et des hippopotames, des éléphantes en ballerines réalisent quelques pas de danse au milieu de bulles dans la séquence La Danse des Heures. Le style graphique de ces personnages est très proche de celui de Dolorès et des éléphants de Dumbo.

Un an après Fantasia, un éléphanteau est la vedette du quatrième Grand Classique, Dumbo (1941). Adapté d'un livre illustré pour enfants d'Helen Aberson Mayer, le film reprend grosso modo le thème d'Elmer Elephant : Dumbo, jeune éléphant aux grandes oreilles, est séparé de sa mère et rejeté par ses congénères, avant de devenir la vedette du cirque en exploitant sa particularité physique pour voler.

Vladminir (Bill) Tytla, fatigué d'animer des personnages inquiétants (il avait travaillé jusque là sur Grincheux dans Blanche Neige et les Sept Nains, sur Stromboli dans Pinocchio ainsi que sur Yen Sid et Chernabog dans Fantasia, rien que ça !), demanda à superviser l'animation du petit éléphanteau. Il prit comme modèle son propre fils Peter, alors très jeune, afin de donner à Dumbo des attitudes et une personnalité se rapprochant des enfants humains. Tytla fut non seulement chargé de l'animation de Dumbo, mais également de celle de tous les autres éléphants : Madame Jumbo et le groupe d'éléphantes mené par la Matriarche.

La scène de la Parade des Eléphants roses mérite l'attention. Cette séquence, dans laquelle apparaissent des dizaines d'éléphants en technicolor sur fond noir, fut dirigée par Norman Ferguson et réalisée essentiellement par deux animateurs. On doit la première partie de la séquence (celle des éléphants musiciens et des éléphants enclerclant leur ennemi) à Hicks Lokey, dont la carrière chez Disney fut brève (1940-194141). Il avait auparavant travaillé sur la séquence La Danse des Heures de Fantasia. La seconde partie (à la fois plus douce, plus exotique et très moderne sur la fin) fut confiée à Howard Swift, animateur sur Pinocchio et Fantasia, notamment des autruches de La Danse des Heures. L'aspect surréaliste de cette séquence fut influencé par le passage de l'artiste Salvador Dali dans les studios Disney à l'époque de la réalisation de Dumbo.

Du Livre de la Jungle à Tarzan : les éléphants plus vrais que nature

Il faut attendre 1967 et Le Livre de la Jungle pour revoir des éléphants apparaître plus de quelques secondes dans un Grand Classique Disney. La troupe militaire de pachydermes marque clairement un changement de style par rapport à ce qu'on avait pu voir au début des années 1940. Les éléphants aux formes arrondies et légères ont cédé la place à des éléphants au design plus vrai que nature.

En effet, si tous les animaux représentés dans Le Livre de la Jungle devaient coller au plus proche de la réalité, les éléphants n'ont pas échappé à cet impératif. C'est à John Lounsbery, un des "Nine Old Men", que fut confiée l'animation du Colonel Hathi et de son bataillon de poids lourds à trompe. Le résultat est saisissant, partagé entre la perfection des mouvements (pas lourds, plis de la peau...) et l'aspect amusant de leur personnalité et de leur démarche à travers la jungle.

En 1999, un nouvel éléphant fait son apparition dans Tarzan. Tantor, jeune éléphant peureux et totalement parano, grandit aux côtés du héros. Sergio Pablos (animateur sur les personnages de Frollo et Hadès) fut chargé d'en superviser l'animation.

Très impressionné par le travail de John Lounsbery sur Le Livre de la Jungle, ses dessins lui furent d'une grande inspiration pour concevoir Tantor, même s'il avait la volonté de s'en détacher. Cela est plutôt réussi, Pablos ayant réussi à donner à Tantor une véritable personnalité et un design encore jamais vu.

Auparavant, nous avions pu voir la transformation du singe Abu en éléphant par le Génie dans Aladdin (1992), et les éléphants apparaissant dans Le Roi Lion (1994). On peut y voir à la fois des éléphants quasi réels lors de la scène d'ouverture du film, et des éléphants au style très cartoonesque pendant la chanson "Je voudrais déjà être roi". N'oublions pas le cimetière des éléphants, territoire des hyènes, dans lequel pénètrent Simba et Nala.

Et aussi...

Enfin pour être complet, on peut citer en vrac l'apparition d'une famille d'éléphants dans le zoo de La Belle et le Clochard (1955), la transformation de Madame Mim en éléphant lors de son duel face à Merlin dans Merlin l'Enchanteur (1963), l'éléphant gardien de but lors du match de football de L'Apprentie Sorcière (1971), les éléphants membres de la garde royale du Prince Jean dans Robin des Bois (1973), les Éphélants dans Les Aventures de Winnie l'Ourson (1977), le couple d'éléphants dans le segment "Pump and Circumstances" dans Fantasia 2000 ou encore Lumpy, le petit "éfélant" apparaissant aux côtés de Winnie l'Ourson et ses amis, ainsi que sa mère, dans Winnie l'ourson et l'Efélant (2005).

En 2016, plusieurs éléphants sont apparus parmi la riche galerie de personnages secondaires du Grand Classique Zootopie. Parmi eux figurent le vendeur de glaces Jerry Jumbeaux Jr. et l'adepte de naturisme Nangi. Plusieurs pachydermes figurent aussi dans les rangs de la police de Zootopie : les officiers Francine Pennington, Bob Trumpet, Trompani et Stevens.

28. Eléphant goal de l'équipe de football bleue (L'Apprentie Sorcière), 29. Eléphants gardes (Robin des Bois), 30.Abu transformé en éléphant par le Génie (Aladdin), 31.Eléphant lors de la chanson "L'histoire de la vie" (Le Roi Lion), 32. Eléphants lors de la chanson "Je voudrais déjà être roi" (Le Roi Lion), 33. Tantor (Tarzan), 34. Mère de Tantor et autres éléphants (Tarzan), 35. Couple d'éléphants dans "Pump and Circumstances" (Fantasia 2000), 36. Lumpy (Winnie l'Ourson et l'Efélant)